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Avr
Le sud de l’ Albanie.
Un an de voyage en famille en camping-car à travers l’Europe ! En mars, 8éme mois du périple, la famille Bouhier-Pillot quitte la Grèce qui les a protégés de l’hiver, pour partir à la découverte du monde compliqué des Balkans… On commence par le sud de l’ Albanie.
Lundi 5 mars « Albanie, Albanie, pays de rêve, … » ( sketch des Inconnus)
Nous passons la frontière vers 15h en provenance de Ioannina en Grèce. On fait notre photo rituelle devant un grand panneau avec la carte d’ Albanie. Ça nous fait tout bizarre d’être là : ça fait trois mois qu’on n’a plus passé de frontière avec notre long séjour hivernal de trois mois en Grèce.
Nous roulons 30km pour atteindre Girokastra où nous voulons retirer de l’argent et acheter une carte SIM. La route est pour l’instant meilleure que ce qu’on imaginait. En revanche, nous longeons une rivière, le Drin, qui draine des kilos de déchets, des tonnes même… Les arbres servent de filtre. La plaine ressemble à une déchèterie à ciel ouvert. Gravas et ordures s’y mélangent. On dirait que tout ça est régulièrement brassé par des pelleteuses. C’est choquant, vraiment. Pas juste une petite décharge sauvage comme on en voit régulièrement depuis la Roumanie. Là c’est des kilomètres de honte. Comment est-ce possible ? La configuration géographique ne doit rien arranger : on est dans une plaine entre deux barres de montagnes : effet de couloir pour les vents ?
Je crois que j’ai passé la soirée à ruminer, à demander pardon à la Terre pour ce que nous humains lui faisons subir et à me demander si chez nous c’est mieux ou pire. La seule solution est de ne pas produire de déchets. Je pense très fort à Harmonie, ma copine qui a changé beaucoup de choses dans son quotidien et qui ne produit presque plus de déchets. Il faut qu’on arrête de se complaire dans notre petit confort et qu’on en fasse autant.
De ces premiers kilomètres, Joseph retient que toutes les maisons ont l’air en chantier. En fait, les maisons se construisent au fur et à mesure qu’il faut de la place pour une nouvelle génération donc on laisse dépasser les fers à béton sur les toits pour pouvoir agrandir. Nous nous baladons entre deux averses vers la forteresse de Girokastra. Je me demande encore comment Slowpy a atteint le parking : on s’est retrouvés engagés dans une rue ultra pentue avec des pavés glissants et des balcons bien bas…. je n’étais pas fière au volant. J’ai vu arriver le moment où j’allais redescendre/glisser en marche arrière…. Autour de nous, il y a des maisons tout en pierre, même le toit. Beaucoup sont à moitié en ruine. Manu a mal au dos (effet frontière ?) alors nous n’insistons pas. Un vieil homme a voulu nous servir de guide pour quelques lekés. Il nous a dit être professeur de français à la retraite. On dirait qu’il a eu un AVC, une partie de son visage et de son corps semble paralysée. A supposer qu’il ait une retraite, elle ne doit pas être bien grosse pour qu’il essaye encore de grappiller quelques euros.
Nous nous garons pour la nuit près d’un petit lac assez sympa juste à la sortie de Girokastra. On dirait qu’il n’y a pas de déchets. Ouf, il n’y en a pas partout !!
Mardi 6 mars A la rencontre de l’oeil bleu…
Il a plu toute la nuit et il pleut encore… A la première accalmie, les garçons et moi partons explorer les bords du lac. Il y a un beau chemin et même une piste cyclable ! On échange quelques mots en anglais avec un homme. Puis une femme vient nous dire bonjour. Elle me sert la main et m’attire à elle pour me faire deux bises. Il me dit que c’est la façon de faire traditionnelle. Je suis un peu embarrassée, c’est familier pour moi et je ne la connais pas. Noé, lui, a déjà été embrassé deux fois et le monsieur lui a affectueusement pincé la joue. Je regarde Noé du coin de l’oeil car c’est assez intrusif mais ça va. La femme marche avec nous et en même temps vide les poubelles. Je me dis qu’elle doit être une sorte d’employée municipale. Je suis contente de voir que le concept poubelle et zone propre existe après l’expérience d’hier. Une fois qu’elle a deux sacs en plastiques remplis, elle me fait comprendre qu’il faut l’attendre un instant. Elle pique un sprint jusqu’à des buissons un peu plus haut et balance tout par-dessus. Je suis verte, les bras m’en tombent, je ne sais si je dois fondre en larme ou éclater d’un rire nerveux. Je lui dis qu’il ne faut pas jeter comme ça dans la nature. Elle croise quelqu’un qu’elle connait et lui raconte. Ils sont morts de rire. Ok… On essaie de bifurquer pour marcher juste nous trois. Elle finit par nous lâcher. Elle n’est pas désagréable mais la barrière de la langue est pesante. Elle a l’air gentille mais je ne sais pas ce qu’elle attend de nous. Ah, tiens, elle me demande si j’ai du parfum pour elle. Bon, nous on avance. On rejoint des hommes qui observent une mare. Il y a plein de crapauds en pleine reproduction. On voit même des chapelets d’oeufs. Il y a aussi des tritons. Les hommes poussent les crapauds avec des bâtons pour les faire bouger et qu’on les voit mieux. Pardon les crapauds… Il se remet à pleuvoir. On retrouve ma nouvelle copine et on rentre avec elle. Elle récupère un énorme sac à main qu’elle avait accroché à un poteau et offre des bonbons aux garçons. On lui dit au revoir et on file à l’abri dans Slowpy.
Ensuite, on retourne dans Girokastra. Je sors juste avec Noé explorer la ville. On s’amuse à compter les Mercedes. Il y en a en abondance et de tous les âges. Il y a plein de petits vendeurs sur les trottoirs : des mamies qui vendent leurs tricots (chaussons, écharpes, chaussettes, layette), des paysans avec oeufs, salades, olives, des vendeurs de tabac en vrac. Il y a des boutiques de vêtements mais je me demande si c’est du seconde main ou du neuf. On hume avec plaisir les boutiques de café. On tombe sur un petit marché où l’on choisit des carottes, des courgettes et de la ciboulette pour deux euros. Les gens m’ont l’air majoritairement pauvres. Il y a des gens très vieux qui vendent ce qu’ils ont dû réussir à faire pousser dans leurs jardins. On rentre à Slowpy sous la pluie. Cette ambiance aquatique commence à être pénible et n’aide pas à égayer le paysage. On renonce même à visiter la forteresse tant la vue est bouchée.
On reprend la route direction un tekke, monastère bektashi. C’est l’aventure! Dès qu’on quitte la route principale, on se retrouve sur une voie en béton puis une piste. On se gare à 2km du tekke quand la piste se rétrécit vraiment trop. A ce moment-là, la pluie redouble. Grrrrrr…. on repart sans avoir mis le nez dehors…
Nous voilà repartis direction une curiosité naturelle, l’oeil bleu. On y arrive juste avant la nuit. On se pose vers des cabanes en bois. On reste à l’abri pour faire les leçons de français du jour. Je suis d’humeur aussi sombre que le ciel, ras le bol de cette pluie, j’ai l’impression que Slowpy a rétréci et qu’on se marche les uns sur les autres.
Croisons les doigts pour qu’il fasse meilleur demain ! Je commence à saturer d’être autant fermée. Manu a toujours le dos tendu. Positivons, c’est le temps idéal pour qu’il reste allongé et se reposer.
Mercredi 7 mars Vers le plus romantique des sites antiques…
Je suis réveillée depuis 5h30. Je suis encore au rythme grec (il y a une heure de décalage). Je profite du wifi gratuit pour écrire aux copines et me chercher des nouveaux livres à télécharger. Joseph est presque aussi matinal et en profite pour lire avec sa liseuse. Quand Noé se réveille, ils viennent se glisser sous notre couette. Vu que j’étais ronchonchon hier soir, je suis contente de les retrouver. Mais ça gonfle illico Manu qui n’a pas eu le temps de se réveiller calmement… Me voilà partagée entre mes 3 amours. Bon, il vaut mieux qu’on en reste à notre organisation : les câlins familiaux, c’est le weekend ! Manu est durablement grognon… chacun son tour…
On dirait que les nuages ont fini de pleurer. Il y a même un rayon de soleil. On file s’oxygéner dehors ! L’oeil bleu est une source avec un fort débit qui forme une rivière d’un bleu de porcelaine sur fond karstique.
Ensuite, les garçons font les maths du jour. J’en profite pour aller laver quelques bricoles. Quand je suis accroupie, occupée à frotter le linge, j’ai l’impression de communier avec les femmes de la terre entière. Gestes ancestraux et universels…
On reprend ensuite la route direction la mer et Butrint. On s’arrête profiter du soleil sur une plage blanche léchée par une eau couleur lagon. Les garçons sont heureux comme tout et courent dans tous les sens en s’inventant des histoires. Une belle averse nous chasse de ce petit coin de paradis.
Nous arrivons à Butrint où il y a un parc naturel et un site archéologique. On a tous beaucoup apprécié la visite du site. Les ruines baignent dans l’eau. Les fleurs forment un décor digne d’un conte de fée. Et surtout, on y a vu plein de tortues et des têtards. Les enfants réussissent à attraper les deux. C’est génial de voir ces tortues de si près!
Jeudi 8 mars Tout ça pour ça…
Je me réveille avec une envie de balade en vélo. Il fait beau, on est entre la mer et un lac, j’ai repéré des petites routes à plat… Mais les vélos des garçons ont les pneus crevés et je crains que Manu n’ait pas envie de tout décharger et réviser. Trop chou, il se lance pour me faire plaisir. Pendant ce temps-là, les garçons avancent dans leur programme de maths. Puis ils bricolent des radeaux à base de bouchons, cure-dent et ficelles… Pendant que Manu est toujours en chantier vélo. Toutes les rustines y sont passées… Faut dire qu’en Roumanie, les gars avaient roulé dans des herbes qui font des graines à épine et les chambres à air neuves n’ont pas aimé… Bon, nous voilà prêts ! On s’avance vers le bac pour traverser le canal qui va du lac à la mer. L’employé nous demande où on veut aller. J’explique et il nous dit que c’est trop dangereux à cause des chiens errants. Grrrr, ça commence à m’agacer ces histoires de chien. Être limité dans sa liberté par des chiens, ça m’agace. Oh ! on se réveille les pouvoirs publics !? Bon, on suit son conseil et on abandonne notre virée en vélo. Allez, on remballe tout…
On redémarre pour changer de bivouac. J’ai entendu parler d’une longue plage où les voyageurs aiment se retrouver, à Borsh. Sur la carte, ça s’annonce bien : montagnes qui se jettent dans une large baie sableuse. Dans la réalité, c’est une plage de graviers jonchée de constructions hétéroclites inachevées et de déchets et pas un voyageur en vue…
On tente notre chance un peu plus loin au pied d’une forteresse. La nuit tombe, on explorera demain.
Pendant le dîner, on parle de la reproduction des batraciens. Noé a une hypothèse pour expliquer pourquoi les crapauds et les tortues restent accouplés si longtemps: « C’est chaud et doux alors ils aiment bien rester » De fil en aiguille, on en vient à parler sexualité en général, les années collège, les premiers bisous, le plaisir, le consentement, les sentiments… oh là là, ils grandissent nos oiseaux!!
Notre robinet, notre seul et unique point d’eau courante à bord, nous lâche au milieu du rinçage de la vaisselle. Il y a des jours comme ça… Manu Gyver nous bricole une installation de fortune en attendant de trouver mieux.
Vendredi 9 mars On a trouvé un nostalgique !
Nous nous réveillons à Porto Palermo, au pied de la forteresse d’Ali Pacha. C’est un lieu vraiment original qui décuple l’imagination des garçons: avec la lampe frontale, nous en explorons les moindres recoins: chambre du pacha, chambre des officiers, salle de réunion, cuisine, dortoir des soldats, terrasses, bastions. Il fait beau, la camomille colonise les pierres, c’est beau !
Quelques kilomètres plus loin, on s’arrête visiter le village de Vunoï. Il y reste pas mal de vieilles maisons en pierre, des ruelles pentues entre des arcades. En ce moment c’est un immense chantier. Un couple de retraités nous invite à boire le café. On essaie de se comprendre avec quelques mots d’italien. Achille et Floreza habitent dans deux pièces et Achille est fier de nous montrer leur salle de bain avec douche. Floreza sert un café accompagné d’un verre de rakia (gnôle) à Manu. J’imagine l’estomac se tordre. Non, ça va, il résiste. Pour les enfants et moi c’est caramel et verre d’eau. Achille explique que depuis la chute du communisme tout est difficile… Surtout pour lui : il était officier de police si on a bien compris et à la chute du régime, autant dire qu’il a été « remercié »… En tout cas, on aura eu l’opportunité de rencontrer un nostalgique du régime communiste le plus dur d’Europe. Dommage pour la barrière de la langue, on aurait bien aimé en savoir plus…
Nous poursuivons la route pour rejoindre le point de départ d’une randonnée. Nous marchons dans un paysage de garrigue sur la rive d’un grand canyon jusqu’à une plage restée assez sauvage (canyon de la Gjipe). Un petit camping sommaire y est aménagé. On s’y verrait bien passer une semaine entre les gorges et la plage, adresse idéale pour débrancher!
Après cette belle sortie, j’ai envie d’une bonne douche chaude. La dernière c’était à Patras, il y a presque 3 semaines. On se lave tous les jours quand même, je vous rassure mais l’eau chaude, le savon qui mousse… Nous tentons notre chance pour un éventuel camping en bord de mer un peu plus loin à Dhërmi. A vrai dire, il n’y a pas vraiment de plage, tout est défoncé, en travaux. Mais un homme nous fait signe de le suivre. Il nous propose un chalet à 1000 lekes la nuit soit 7 euros. Il nous fait visiter deux chambres d’hôtel aussi pour 15 euros mais ça n’est pas très attirant : les plâtres tombent, la moisissure colonise la douche. Le chalet est parfait pour notre mission douche ! Quel bonheur de se coucher la peau douce et propre ! Seule petite ombre au tableau : Manu a glissé dans des rochers en allant pêcher et il a très mal au poignet et au pouce. Glups, on verra demain comment ça évolue…
Samedi 10 mars Une douche chaude et une dose de nature
Ça va, le poignet de Manu bouge encore mais un bel hématome apparait…
On se fait un petit-déjeuner trois étoiles sur la terrasse de l’hôtel avec nos graines, des bananes, du bon miel, du pain et du saucisson. On est assez étonnés de constater que toutes les installations sont en piteux état. Soit ils remettent tout en état avant chaque saison soit ils bricolent juste ce qu’il faut pour que ça tienne debout. Mais quelle clientèle se satisfait de ça ??
Allez, en route. On est au pied de 17km de lacets pour atteindre un col et le parc naturel de Llogara. Slowpy monte tout doux à 20km/h. On a le temps d’admirer le paysage ! En Albanie, les montagnes se jettent dans la mer. C’est beau mais qu’en restera-t-il dans moins de 10 ans? Sous nos yeux, par exemple, une magnifique zone de forêt et de maquis et une longue plage de sable… creusée, hachée et défigurée par les pelleteuses et des constructions anarchiques sans aucune cohérence ou respect du cadre naturel… On a l’impression que toute la côte est menacée par la même gangrène…
Nous voilà au col: on se croirait dans les Alpes, pins noirs, ruisseaux, crocus… On fait une jolie balade jusqu’à un panorama : le « passage de César », s’il vous plaît ! D’ici la vue sur la mer est magnifique. On repère une longue bande de sable entre un lac et la mer. C’est parti!
On déchante vite. La fameuse bande de sable est en fait un bout de marais insalubre grignoté par des cabanes, le tout délicatement parsemé de déchets divers et variés. C’est ignoble. La route est particulièrement défoncée. La totale. On se console avec quelques carrés de chocolat sur la « plage » et on joue à viser un bunker avec des cailloux. L’Albanie c’est le pays des bunkers: 17000 ont été construits sous l’ère communiste pour surveiller le pays et empêcher toute entrée ou sortie du territoire.
On fuit à Vlorë. Une visite de la ville, rien d’extraordinaire et les seules maisons intéressantes tombent en ruine… Passons… Notre seul consolation : tomber sur un supermarché Conad et faire un stock de produits Italiens qui nous rappellent la Sicile : Grana padano, câpres énormes, café, …
Au terme d’une portion de route défoncée, on atterrit sur une longue plage qui ne serait pas si mal sans les ordures. Allez, on ne trouvera pas mieux aujourd’hui et on a un objectif feu de camp : faire des frites à la marmite (la touche Tuche) ! Apprentissage du maniement de la hache pour Joseph. Au moment où on passe à table, le propriétaire du restaurant d’à coté passe voir ce qu’on fait. On arrive à se comprendre avec quelques mots d’allemand. On l’invite à dîner. C’est chouette de partager ! Avec son affaire, il travaille trois mois en été et apparemment ça suffit. Ici c’est noir de monde en été. On imagine qu’ils font un énorme travail de nettoyage de la plage avant que les touristes débarquent… Il explique que la corruption empêche tout système de ramassage des ordures de fonctionner. L’argent pour des investissements ne touche jamais son but mais remplit certaines poches…
Dimanche 11 mars Un peu de plage avant la surprise
Nous nous réveillons sous un soleil généreux. Petit-déjeuner et conseil de famille les pieds dans le sable. Nous parlons de ce que nous avons aimé, pas aimé et de nos demandes. Puis chacun vaque tranquillement à ses occupations: Manu peint sur la carrosserie « pershendetie » , bonjour en Albanais, je vais marcher avec Noé, Joseph joue… Des pêcheurs en pédalo tirent leurs filets et fournissent en poisson frais les restos de la plage ouverts. Les gars remarquent d’étranges crabes bleus dans leur prise.
On prend tranquillement la route pour Berat en début d’après-midi. Enfin c’est plutôt la route qui nous prend : je ne peux pas quitter des yeux la chaussée un seul instant tellement il y a de trous. A certains endroits d’ailleurs il vaut mieux rouler à gauche pour pouvoir avancer donc on partage avec ceux qui viennent en face. Ajoutons à ça une poignée de poules, chiens, vaches, mobylettes et des kilos de poussière … J’ai parfois l’impression d’être en Inde!!! On sent que ça fait travailler Slowpy alors on y va tout doux… On traverse la ville de Fier : il y a des trottoirs et les immeubles ont des façades multicolores. C’est gai ! Le pot de peinture est un excellent remède à la tristitude urbaine !
L’arrivée à Berat est une bonne surprise. C’est une ville classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco. On arpente les ruelles pentues de la vieille ville aux 1000 fenêtres. Et on y fait une séance résolution de conflit. Les garçons sont en mode « c’est lui qui a commencé, non c’est lui » . Manu en est au stade où il les revendrait bien pour voyager rien qu’avec moi. Et moi je voudrais juste me balader tranquillement après ces deux heures de route éprouvantes qui m’ont moulu les épaules … Bon, on continue la visite plus zen. Je suis toujours épatée de l’efficacité d’une juste expression des sentiments et des besoins ! Manu n’est pas encore tout à fait satisfait, il n’a pas pu les revendre… Bon, à Berat, Il y a aussi une longue promenade piétonne longée de bars et restaurants. En ce dimanche soir, c’est très fréquenté. On se choisit une table pour croquer la pizza tant rêvée par les garçons. Ça fait du bien de partager ce bon moment ! Avec Noé on danse sur nos chaises et on papote, Joseph et Manu jouent aux échecs.
Lundi 12 mars Nos premiers byreks
On grimpe à la citadelle de Berat de bon matin et on y fait deux belles rencontres: une jeune femme Albanaise qui parle très bien français puis Valeria, une Franco-Italienne qui est là pour quelques jours en voyage organisé. Son chéri est Clermontois ! Elle est vraiment agréable et ensemble on désorganise un peu le groupe car d’autres membres viennent nous poser des questions et prendre des photos. Ensuite on redescend en centre-ville et on passe par un quartier commerçant : café moulu sous nos yeux et byrek (sorte de pâte feuilletée) aux épinards et au fromage. Comme souvent, les commerçants qui parlent quelques mots de français ou d’italien nous parlent de Platini ou Zidane. Ils sont fans de nos footeux et ont du mal à comprendre que nous non… A l’office de tourisme, on rencontre une jeune française qui est en Service Volontaire Européen puis deux Americains qui font partie d’une association humanitaire. C’était matinée chaleur humaine 😉
Ensuite, on prend la route pour Elbasan. On vient là pour la fête de l’été, Dita e verës, qui se tient mercredi. C’est une célébration païenne du retour des beaux jours. C’est un jour férié. Il y a déjà plein de vendeurs de gâteaux, les ballokums qui ressemblent à des gros macarons à base de farine de maïs, de jaune d’oeuf et de sucre.
Ça fait une semaine qu’on est en Albanie et je crois qu’on commence juste à s’y habituer. Les premiers jours et leur cortège de déchets dans la nature et d’urbanisation incontrôlée sur la côte nous ont peu plombés. C’est grâce aux habitants chaleureux et communicatifs ainsi qu’à quelques beaux paysages et sites magnifiques qu’on prend plaisir à être là.
Mardi 13 mars La fête de l’été à Elbasan
Nous nous réveillons dans une ville déjà très animée ! Le bivouac en centre ville qu’on a trouvé hier soir est très prisé ce matin ! On est cerné ! On sort prendre la température de la fête qui s’annonce. Il y a déjà plein de petits vendeurs partout : ballokum et beaucoup de gadgets made in china… Dans nos déambulations on traverse deux beaux marchés: oranges, citrons, olives, aillet, poireaux, choux, carottes, salades, fromages frais type feta et fromage de vache plus secs, oeufs… Et dans un forum on croise l’Alliance Française qui promeut ici la francophonie ! Sur les trottoirs, les paysans vendent leurs modestes productions : le lait de vache en bouteilles de coca, des sachets de plantes, des figues séchées… A vrai dire, on n’ose pas acheter de légumes. Elbasan était un immense complexe industriel sidérurgique sous l’ère communiste. Les terres sont dites impropres à la culture, contaminées par les substances toxiques des industries. Dans notre guide, il est aussi écrit que la région est si polluée qu’on y enregistre les pires taux de maladies respiratoires, cancers et malformations utérines d’Albanie. Glups… Enfin, je vous rassure, comme dit Joseph, on n’a pas vu d’enfants phosphorescents dans la nuit… Plus loin, on passe par un bazar à fripes, un trottoir à bricolage et électricité, des vendeurs de tabac en vrac. Les pâtisseries nous rappellent la Turquie: il y a des gros gâteaux crémeux de toutes les couleurs.
Manu passe un bon moment à réparer une cosse de la batterie qui a lâché à cause des vibrations.
Nous finissons la journée au milieu de la foule avec des boules kiès. Il y a une grande scène avec des spectacles de danses traditionnelles entrecoupés de hip hop, le tout avec un niveau sonore à réveiller les morts… Les garçons se lassent assez vite et nous n’avons pas non plus le coup de foudre pour l’ambiance… Vers minuit, je suis réveillée en sursaut par un feu d’artifice : on le regarde depuis notre lit, bien au chaud sous la couette et je me rendors comme si ça n’avait été qu’un rêve. Moment magique !
Mercredi 14 mars Tirana, nous voilà !
A 8h, il y a déjà du monde dans la rue, plein de petits vendeurs installés. On sort se balader après le petit-déjeuner. La foule est de plus en plus dense. La musique à fond redémarre. Des hommes se mesurent dans une épreuve de force. On s’offre nos bracelets traditionnels rouges et blancs, deux brins de laine qu’on enlèvera quand on verra notre première hirondelle. On entre au musée ethnographique. Costumes traditionnels et vieux outils sont présentés. Les visiteurs touchent à tout et se photographient. Les garçons hallucinent de les voir jouer avec ses vieux objets et il y a de quoi ! Pour la conservation du patrimoine, peut mieux faire…
Bon, le tour est fait. On a notre dose de bruit et de foule, on choisit de filer à la capitale, Tirana.
Exceptionnellement, on prend l’autoroute, l’autre route est vraiment trop sinueuse. A vrai dire, l’autoroute est plutôt une sorte de voix express. Il n’a pas de marquage au sol et on y fait des rencontres insolites: des femmes qui vendent leurs salades et poireaux sur le bas côté, un piéton avec sa valise, un minibus qui s’arrête récupérer des passagers sur le terre-plein central…
A Tirana, on finit par réussir à se garer gratuitement en bordure du Grand Parc, côté chic, près des restaurants aux allures de chalets ou châteaux. On fait un peu tâche dans le décor mais les gardiens finissent par accepter.
On part à pied et en trottinette pour notre première exploration de la ville. Pyramide, place Skanderbeg, Block… Tirana fête aussi le jour de l’été, leurs « champs élysées », le boulevard Deshmorët e Kombit, est bloqué à la circulation, les arbres sont décorés, les rosalies investissent la chaussée et quelques podiums délivrent leurs décibels. Ce boulevard va de la place Mére Thérésa à la place Skanderbeg. Mère Thérésa est née en Macédoine mais se considérait Albanaise ( c’est un peu le problème dans les Balkans…) et Skanderbeg est un des pères historiques de la nation Albanaise qui a résisté aux Ottomans au XVeme siécle.
On croise un « I love Tirana » avec un cœur gigantesque, Tirana semble travailler sa com’. Il y a même un service genre vélib’ mais le défi est de comprendre comment ça marche et de trouver un vélo en bon état…
La pyramide, c’est un bâtiment abandonné, héritage de la période communiste. Elle devait être un musée dédié à Enver Hoxha, dessinée par sa propre fille… A la chute du Régime, la pyramide est devenue un centre culturel, puis une base logistique d’ONG, puis une boîte de nuit… Aujourd’hui, elle sert de point de rencontre de la jeunesse qui la brave pour contempler la ville d’en haut ; enfin il y a ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas… Evidemment nos gars ont tenté leur chance… On se dit qu’en France, laisser un tel site, potentiellement dangereux, en libre accès, au coeur d’une grande ville, serait complètement impossible.
On se rend compte en rentrant qu’on a vu l’essentiel. Tirana est une toute petite capitale !
Jeudi 15 mars Plongée dans l’Albanie communiste… Devoir de mémoire…
On change de parking au réveil pour ne pas abuser de la tolérance des gardiens. Cette fois-ci, on atterrit près du marché central. On file visiter l’expo Bunk Art 2. C’est un musée installé dans le bunker du ministère de l’intérieur sous le régime communiste et qui retrace l’histoire de la police. Sous le régime autoritaire d’Enver Hoxha, le dirigeant indéboulonnable, le contrôle de la population est digne des films de James Bond : micros cachés, appareils photos miniatures … et plus grave encore et peu connu : camps d’internement et de travaux forcés… Enver Hoxha était tellement radical qu’il avait rompu avec tous les autres pays communistes, les trouvant trop modérés… Plus stalinien que Staline lui-même… Ce genre de visite te rappelle que le multi-partisme c’est quand même moins pire que ces régimes qui virent parano.
Puis on choisit de déjà quitter Tirana. On a envie de retrouver la nature et des paysages plus propres. On vise le lac d’Ohrid. En chemin, on trouve une scierie où l’on refait le plein de copeaux de bois pour nos toilettes sèches. Et au panorama sur le lac, on rencontre Cyril, un trentenaire qui vit en camion avec son chat Chépas. Chouette, ça fait longtemps qu’on n’a pas rencontré de voyageur ! On se suit jusqu’à Pogradec où on dîne ensemble au restaurant : demi canard rôti et pâtes fraîches aux herbes au menu, miam ! Il nous invite ensuite chez lui. L’intérieur de son camion est magnifique, tout est en bois. Il a un poêle à bois. Ça sent bon et on se sent bien!
Vendredi 16 mars Pause au lac d’Ohrid avec Cyril et Chépas
On se croirait en novembre aujourd’hui : ciel gris, vent et quelques gouttes. Alors on se fait marmottes : on traîne sous la couette, on se fait des crêpes, on sort jouer un peu dehors, on discute avec Cyril, on partage une quiche chaude sortie de son four et la journée passe… On a juste bougé pour faire le plein d’eau et de légumes. Les commerçants sont vraiment agréables, essaient toujours de poser quelques questions avec des mélanges d’anglais et d’italien. Et quand on n’a pas les mots, il reste le mime : fou rire mémorable quand j’ai mimé la poule qui pond pour avoir des œufs à l’épicerie et que les employées se sont mises à caqueter avec moi !!
Samedi 17 mars Aprés l’Albanie, la Macédoine !
Au revoir Cyril, au revoir Chépas et au revoir Albanie. Nous entrons en Macédoine ! On a aimé les contacts humains en Albanie, quelques jolis coins de nature mais on se sent fatigués, usés d’avoir vu tant de déchets et de chantiers défigurant l’environnement. Ce n’est qu’un au revoir parce qu’après la Macédoine et le Kosovo, nous passerons par le Nord de l’Albanie.
Véro (et un soupçon de Manu)
A paraître bientôt : La Macédoine
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