Semaine 6, du 4 au 9 septembre 2017 : De Vienne à Bratislava (par Véro)
Du 4 au 9 septembre 2017
Semaine 6 de notre voyage d’un an en famille à travers l’Europe. On continue à suivre le Danube, on finit notre visite de Vienne par Schönbrunn, on continue par le parc naturel et on franchit notre 3éme frontière pour rejoindre la Slovaquie et Bratislava. Pour les enfants aussi c’est la rentrée !
Lundi 4 septembre : Vienne, Schönbrunn
En France, c’est la rentrée scolaire. Pour Joseph et Noé c’est une rentrée originale puisque loin des maîtresses et des copains. Ils ont préparé une vidéo pour leur souhaiter une bonne année scolaire. On a décidé qu’aujourd’hui c’est leçon d’histoire car on va visiter le château de Schönbrunn.
Ils se mettent très sérieusement dans la peau d’un reporter et débutent la visite avec l’audio guide dans une main et le carnet de notes dans l’autre.
Ils apprennent à sélectionner les infos et s’entrainent activement à l’écriture et à la prise de note. Mon moment préféré de la visite est la terrasse de la Gloriette, tout en haut de la colline qui domine le parc, face au château. De là-haut on voit tout Vienne, la longue avenue qui mène au château, le parc et les collines autour de la ville.
On a presque l’impression de toucher le ciel. En regardant les nuages, je me demande quelle pouvait bien être la vie de ces empereurs et impératrices. Peut-être venaient-ils là souffler un peu loin des codes et obligations. Schönbrunn a évidemment mérité un p’tit caillou !
Le soir, Manu essaie héroïquement de démêler qui est qui dans l’empire des Habsbourg et dans l’histoire de l’empire austro hongrois avec l’aide de Wikipédia. Pendant ce temps, les garçons retranscrivent leurs notes sur le blog.
Article de Noé et article de Joseph sur Schönbrunn.
On est à nouveau installé près du Danube. On s’est baigné à la tombée du jour avec la pleine lune en ligne de mire. On a fini grelottant en se shampouinant sous un grand robinet. On est propres, quel délice de sentir la peau lisse et le cheveux léger !
Joseph écrit dans le cahier des petits bonheurs qu’il a aimé ne pas beaucoup travailler. Je suis étonnée parce que moi je suis épatée par tout ce qu’ils ont fait aujourd’hui. Ca calme mon inquiétude de ne pas savoir s’y prendre pour l’instruction, de ne pas assurer. J’ai beau être sûre qu’ils s’enrichissent tous les jours en expériences et en savoirs, la pression de tout « bien » faire est encore là.
Mardi 5 septembre : Obere Alte Donau – Maison du parc, Vienne
On rame un peu au départ. On est d’une inefficacité impressionnante. On s’y reprend à trois fois pour faire le plein d’eau, on chipote avec les poubelles… Pfffff le démarrage est laborieux… il faut aussi s’arrêter faire des courses et tout ce que je veux, c’est me retrouver enfin dans la nature !!! Notre objectif du jour est d’entrer dans le Parc naturel de Donau Auen. C’est une vaste zone de marécages et d’étangs qui s’étend de Vienne à Bratislava. Quand on y arrive enfin, on prend le temps de déjeuner et le café traîne. Manu a des bricoles à régler pour Shop and Coop. Je sens ma patience fondre. L’appel de la nature, c’est un truc intense chez moi ! Bon, ça y est, on décolle à bicyclette, yahoooo ! On tombe très vite sur un très bel étang où des tout nus font trempette.
Je déclare que c’est une belle occasion pour innover ! Bon, il y en a un dans la troupe qui préfère garder le maillot, à la française ! Depuis le début du voyage, on a remarqué qu’Allemands et Autrichiens sont à l’aise avec la nudité. Pas besoin de se cacher pour se changer, c’est aux autres de regarder ailleurs. C’est une chouette expérience avec les enfants, l’occasion de parler du rapport au corps, de l’intimité, de la pudeur, du respect de l’autre. Et même parler d’exhibitionnisme, un peu plus loin, quand on croise un type bien louche… La psychiatrie a de beaux jours devant elle…
Plus loin, et après avoir réparé la première crevaison du voyage, on découvre un immense barrage, l’occasion d’observer le fonctionnement d’une écluse. Le trafic est dense entre bateaux de croisière et péniches. Des énormes péniches, souvent deux accolées à la suite ou de front. Notre vadrouille se termine au soleil couchant, c’est bon et j’ai eu ma dose de balade, heureuse !
Mercredi 6 septembre : Vienne – Uferhaus
On est réveillé à 7h par un taille-haie. Pffff, comment peut-on se mettre ce bruit-là dans les oreilles à cette heure-là ? Vive les haies sauvages !!
Comme Manu a besoin de temps pour Shop and Coop, je pars avec les garçons visiter la Maison du parc. On nous propose de regarder deux films en anglais et en allemand sur la faune du parc, sa protection, les actions de sensibilisation, la vie avec le Danube. Les images sont magnifiques, les garçons sont subjugués et moi émue par la beauté du vivant. Noé sort de là bien décidé à voir un cerf et des tortues dans la journée ! Il y aussi une méga aire de jeux, une de plus. Les concepteurs de spielplatz Allemands et Autrichiens semblent être restés des grands enfants, leurs idées sont géniales. On peut grimper haut, sauter, ramper, se balancer, tomber… Tout est en bois bien sûr.
L’après-midi, on fait un saut de puce jusqu’à Schönau, au milieu du Parc. On se lance dans une première balade pour voir des animaux mais on se retrouve très vite à glisser sur des chemins qui ont vu une crue il y a peu de temps.
C’est impressionnant de voir à quel point l’eau peut monter malgré (ou à cause ?) des barrages et nombreux bras du qui divisent le fleuve. Les tourbillons géants qui se créent vers les déversoirs impressionnent les garçons. Ils regardent tous leurs petits bouts de bois sombrer un à un.
Une petite pause à Orth oú il y a un château qui est aussi une Maison du parc. Les expos sont biens faites et les produits dérivés à la boutique font rêver Noé.
Le soir, on se choisit un bivouac près du Danube, près d’un très beau restaurant, à Uferhaus.
Le genre d’endroit qu’on met dans un coin de notre tête d’amoureux en se disant qu’on pourrait y revenir en tête à tête. Pour l’instant, on squatte l’aire de jeux : un immense bateau de pirate en bois.
N’ayant toujours vu aucun animal, on ressort après le dîner, frontales vissées sur la tête pour une expédition nocturne. On marche d’abord éclairées par la pleine lune puis dans le noir des bois, on allume. Les garçons apprennent à marcher à pas de velours. Pas facile de couper le son à radio Noé. Sa petite main vient se caler dans la mienne. Tout courageux qu’il est, les craquements des branches et le petit vent produisent leur effet. On observe une légion de limace et c’est tout… Ca râle dans les troupes…
Jeudi 7 septembre : Uferhaus – Stopfenreuth
Depuis plusieurs jours, l’ambiance est tendue. On profite, on visite mais ça râle beaucoup, trop à mon goût. Manu est très vite exaspéré par les comportements des enfants, mes paroles, nos présences, le matériel, tout en fait… Il ne semble plus rien supporter. J’ai du mal à comprendre. Avec les enfants, j’arrive à décoder, à comprendre quel besoin se cache derrière la surface. Avec lui, j’avoue être moins tolérante, moins à l’écoute, je me dis qu’il n’a qu’à faire des efforts. Et comme rien ne va, je suis encore moins décidée à prendre sur moi. J’oscille entre écoute et exaspération. Des efforts, j’ai l’impression d’en faire depuis longtemps (trop longtemps ?) : en attendant qu’il y ait moins de stress pour Shop and Coop, l’ALS, le travail… Là, on doit être heureux et harmonieux non de non !!! Bref, on s’enfonce et voilà que ça pète dès le petit déjeuner, grrrr C’en est trop pour moi. Je sors en claquant la porte. Soit on se comprend soit on arrête tout et on retourne chacun dans notre petite case à la maison voire chacun sa maison, non mais. Ça fait mal. S’en suit un échange salvateur qui semble faire électrochoc chez Manu. Moi je me sens au point no man’s land, quand la terre se fissure sous tes pieds et qu’il n’y a plus d’horizon.
L’aprèm, je pédale seule deux petites heures sur une portion de l’Eurovélo 6 à la fois très moche et très belle : une interminable ligne droite de mauvais asphalte bordée de milliers de crocus roses. Manu et les garçons visitent un château à Eckartsau et font quelques courses pour un barbecue. Quand on se retrouve, la tension a diminué d’un gros cran, on est heureux de se retrouver, de se serrer dans les bras.
On passe la soirée près du feu. On s’est posé au seul endroit du parc où le feu est autorisé à Stopfenreuth. Le lieu est magnifiquement aménagé. Une grande passerelle offre bancs et table à 20m de haut. Il y aussi des petites plages au bord du Danube. On fait griller des saucisses, des patates et des bananes au chocolat. Manu et Joseph chantent des chansons de scouts, Noé joue avec le feu. Autour de nous, les cerfs commencent à bramer. Sons gutturaux impressionnants qui dureront toute la nuit.
Vendredi 8 septembre : Stopfenreuth
Dans la nuit, Manu me réveille à 5h. Il est coincé du dos. Outch. Il n’y a pas eu d’avertissement cette fois-ci. On dirait que c’est venu d’un coup. Au fil de la journée, Manu prend conscience des peurs qui l’ont sans doute paralysé. Il me parle de sa peur d’aller vers l’inconnu, de quitter l’Autriche, d’être en insécurité. C’est cette angoisse qui l’a complètement déboussolé ces derniers jours. Et je n’ai pas mesuré cette peur, je n’ai pas su l’écouter. Pour moi cette peur est un petit frisson synonyme d’aventure que j’adore alors je n’ai pas su en mesurer l’ampleur pour lui. J’ai toujours envie d’avancer, d’aller voir ailleurs, plus loin. Et lui freinait inconsciemment des quatre fers. Forcément, on allait au clash… Tout s’éclaire, on se comprend enfin ! Et à distance Claude fait du reiki pour lui.
Dans ces conditions, pas question de repartir en vadrouille tout de suite. On passe la journée à buller dans ce lieu paisible : on bouquine, on joue au bord du Danube, land art et ricochets, massage et lessive.
Samedi 9 septembre : Stopfenreuth – Bratislava
Manu est déjà moins endolori. Je décide qu’il est temps de franchir cette frontière slovaque même s’il ne peut pas encore vraiment marcher. J’ai réussi à rattacher mon vélo, à faire les corvées d’eau propre et sale, les toilettes sèches. Décollage ! J’ai l’impression de le faire entrer en Slovaquie en ambulance. Sa peur m’a un peu contaminée, sensation de les embarquer tous les trois vers l’inconnu parce que c’est mon rêve mais si j’en voulais trop, si je rêvais trop… ? L’excitation reprend le dessus. Photo rituelle à la frontière.
Je vise la forteresse de Devin, au nord de Bratislava, au confluent du Danube et de la Moravie. On y débarque en pleine fête du vin, parfaite entrée en matière ! On ne comprend plus rien aux panneaux et à ce qu’on entend. J’adore ne rien comprendre et tenter de deviner. Joseph est hilare avec tous ces mots imprononçables plein de consonnes. Première impression de pilote : les routes ont beaucoup plus de trous qu’en Autriche, il va me falloir un peu moins regarder le paysage et plus le goudron !
Le soir, Manu nous dégotte un super bivouac au bord d‘un parc, en plein Bratislava. Il assure avec son GPS ! L’endroit est plutôt rassurant par rapport à ce qu’on avait lu quant aux risques de vols sur les parkings (ou comment se farcir la tête à cause de commentaires débiles sur une appli recensant des parkings…)
Dimanche 10 septembre : Bratislava
On a besoin d’eau potable. Je ne vois pas de robinet dans le parc. Je demande où en trouver à une petite dame qui désherbe un parterre de fleurs. Ses fleurs sont la seule source de couleurs gaies au milieu du béton assez soviétique des alentours. Elle me fait entrer jusque dans sa cuisine ! Elle parle peu anglais, dommage, mais je comprends qu’elle est la gardienne de l’école hôtelière face à laquelle on est garé. De bon matin, me voilà toute émue par sa bonté.
Manu se sent mieux. On part visiter Bratislava tous les quatre en tram et à pied. J’en suis heureuse, ça aurait été glauque de visiter sans lui et de lui raconter. Dans une petite boutique d’artisanat, une femme offre des sucreries aux garçons. Décidément, l’accueil est chaleureux.
Bratislava est une petite et jeune capitale née officiellement en janvier 1993 après que la Tchécoslovaquie se soit éteinte en juillet 1992. On déambule entre la colline du château et la vieille ville.
Immeubles restaurés et délabrés se côtoient. Joseph et Noé remarquent qu’il y a des tags partout. On s’amuse à photographier les trams, il n’y en a pas deux identiques.
On savoure le goûter chez Mayer assis devant le portrait de Sissi et dans un élan de gourmandise, on s’offre aussi une énorme glace dans la rue ! On s’adapte à la vie locale, ça a l’air d’être une institution dominicale !
Les photos de la semaine 6 : https://photos.app.goo.gl/0uOC5e3WLVgRPLcZ2